LE POINT

Hollywoodien comme Tourcoing

Action! Des méga-studios devraient bientôt voir le jour sur une friche industrielle.

Il faut une bonne dose d’imagination pour voir dans le château d’eau de l’ancienne filature Caulliez Frères un rappel des studios hollywoodiens. Mais Selim Saifi n’en manque pas. Cet enfant de Saint-Maurice-Pellevoisin, qui séchait les cours pour se faufiler sur les plateaux de tournage, a produit sa première série, Pidza express, à l’âge de 18 ans. Il se fait connaître en 2019 en lançant avec Pierre-Yves Gronier (chef de l’Orchestre symphonique européen) des ciné-concerts au Zénith de Lille. « On répétait dans le studio à peine assez spacieux de la Plaine Images et on mangeait sur le parking. Je me disais qu’il manquait un lieu dédié », raconte-t-il.

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Quand, en 2022, l'État lance son appel à projets France 2030 La Grande Fabrique de l'image pour doubler les capacités de production des studios et le nombre de formations, Selim Saifi présente donc sa proposition, baptisée Union Studio (du nom de la friche tourquennoise), et décroche le label de l’État lors de l’annonce des lauréats au Festival de Cannes 2023. Un adoubement pour cet autodidacte de seulement 32 ans, dont le projet, chiffré pour le moment à 40 millions d’euros, obtient ainsi une enveloppe de 10 millions qui s’ajoute à l’aide de la Caisse des dépôts et consignations et d’investisseurs privés. « Salim Saifi n’est pas seul, il sait s’entourer des bonnes personnes », souligne le directeur de la Plaine Images, Emmanuel Delemarre.

Demandes. Soutenu par la ville de Tourcoing, la Métropole européenne de Lille (MEL) et la région Hauts-de-France, qui a fait des industries culturelles et créatives un axe majeur de sa politique économique et culturelle, Selim Saifi bénéficie de l’accompagnement financier du promoteur immobilier Lyris Group. Les deux bâtiments historiques de la friche Caulliez Frères, qui s’étend sur 5 hectares, seront conservés, et trois autres seront construits pour accueillir des studios (4000 mètres carrés), des ateliers de décors (8000 mètres carrés), des bureaux et des loges (3000 mètres carrés), un espace de restauration (1000 mètres carrés) et un auditorium de projection équipé du son immersif Dolby Atmos. Le tout exploité par Transpalux, le groupe qui gère déjà le studio de 500 mètres carrés de la Plaine Images (où ont été tournées quelques scènes de la série Les Petits Meurtres d'Agatha Christie). « De la préproduction à la postproduction en passant par les décors et la restauration, nous aurons un outil industriel complet », se félicite Selim Saifi, qui espère attirer des séries comme des films à gros budget et assure avoir déjà des demandes.

Il faut dire que les Hauts-de-France sont depuis longtemps identifiés comme l’une des principales terres de tournage du pays. « Mais ces studios sont la pierre qui manque à l’édifice, souligne Godefroy Vujicic, directeur général de Pictanovo, l’outil régional de soutien à la création et à la production cinématographique et audiovisuelle. Ils permettront de tourner quelles que soient les conditions météorologiques — un argument qui m’est régulièrement opposé. » Godefroy Vujicic mise aussi sur la proximité du Séries Mania Institute, école issue du festival éponyme et autre lauréat de La Grande Fabrique de l'image qui pourrait s’implanter aux Studios de l’Union. « Ils pourraient aussi faire revenir nos diplômés partis faire leurs armes à Los Angeles ou à Montréal », ajoute Emmanuel Delamarre.

En attendant, Selim Saifi doit encore acquérir le terrain, propriété de la MEL, pour 2 millions d’euros. Il espère ensuite pouvoir commencer les travaux à la rentrée pour une livraison fin 2025.

PAR AUDREY EMERY